100 jours, sans nuits
Sorti de la fiction pour commenter le programme d’installation des membres du Gouvernement nommés le 4 janvier dernier, Speedy Gonzales, célèbre personnage de dessins animés aurait sans doute fait part de son tournis et de son vertige. Moins de quatre heures pour faire le tour de 15 ministères disséminés dans une capitale qui n’est pas un modèle en termes de dessertes et de fluidité du trafic entre 10 h et 14 h en semaine. Beaucoup avaient parié leur parole que le programme communiqué le weekend était intenable ou qu’il relevait de l’enfumage. Ils ont vite ravalé leur langue.
Au 13h du Poste national de la Crtv, et alors même que le PM est encore sur le terrain, quelques heures à peine après la passation de service avec Philémon Yang, son prédécesseur, la présentatrice vedette, Marie-Francois Ewolo y allait d’une formule bien sentie qui résume ce qu’est de toute évidence, l’un des marqueurs du ministère de Joseph Dion Ngute à l’immeuble Étoile, siège du gouvernement. “Le pari de la célérité”, titrait-elle en ouverture de son journal.
Sirène hurlante d’un motard ouvreur, un cortège allégé, peu de discours, des installations en cinq minutes chrono arrêté et, au bout du compte, le pari tenu d’un chronogramme à la fois inédit, ambitieux à première vue mais réaliste, loin des lourdeurs et des fastes futiles auxquels l’on était jusque-là habitué.
Un peu plus de trois mois se sont écoulés depuis lors. Le train Ngute s’ébranle à peu près sur la même vitesse. Avec des entrants qui donnent l’impression d’être sur le pied de guerre, entre cabinet et terrain. Et des anciens, bousculés dans leur confort habituel, dans un contexte où tout semble « urgence ». De la transformation de l’économie à la couverture maladie universelle, en passant par la décentralisation, l’éducation, le pouvoir d’achat, l’assainissement des finances publiques, la lutte contre la corruption endémique, l’insécurité, les crises dans le Nord-Ouest, le Sud-Ouest et une partie du Septentrion, le parachèvement de la mise en place des institutions, les grands travaux, la transformation des produits de la terre, le numérique, les routes, l’énergie, le climat des affaires, les infrastructures dont les projets dits structurants, les engagements liés à l’organisation de la prochaine CAN 2021, et tant encore.
Une loi a été adoptée et rend désormais possible, à n’importe quel moment, la mise en place des conseils régionaux. Un décret organise les zones économiques et va contribuer à attirer des investissements nouveaux pour les technopoles, acropoles, etc. Des textes qui trainaient sortent des tiroirs. Les missions de ministres et directeurs généraux d’entreprises d’Etat font l’objet de restrictions. L’acquisition des véhicules administratifs n’est pas en reste. Les prestataires sont pressés de livrer les chantiers pour lesquels ils s’étaient engagés. A peine installée, Madame le Mindhu a fait venir un camion de vidange sine die de son Bangangté natal pour soulager des fosses qui débordaient depuis plusieurs années et rendaient l’air irrespirable dans un quartier de Yaoundé. Memve’ele attendait une solution pour le transport de son énergie, en attendant qu’enfin l’on construise les infrastructures à cet effet : 80 MW sont injectés depuis quelques jours dans le Réseau interconnecté sud (Ris) qui ne rit pas encore, c’est vrai. Jacques Famé Ndongo a dû se déplacer rapidement sur Ngaoundéré pour trouver des solutions cohérentes à la grève à l’école vétérinaire, même si l’on n’est en droit de se demander les mesures prises suffiront. Le gouvernement agi. Du moins, c’est l’impression qu’il donne sur divers front. Avec un message : diligence, pragmatisme et résultats. Trois mots qui résument parfaitement un Premier ministre qui imprègne de sa marque un gouvernement en éveil constant, rompt avec l’habitude de ces conseils de cabinet où l’on venait faire de longs exposés sans suite.
L’on aurait apprécié qu’au bout de ces 100 premiers jours à la tête du Gouvernement Joseph Dion Ngute se pose pour esquisser une sorte de point qui fixe la presse et l’opinion sur le cap pris. Ni un inventaire à la Prévert ni une liste à la Schindler. Juste un petit repère qui donne de juger sur pièce, d’espérer que l’action de son équipe permette de croire qu’enfin, un gouvernement de la République rendra possible l’augmentation du pouvoir d’achat des populations et l’amélioration de leur condition de vie, avec un système de santé meilleur, la paix retrouvée, l’unité consolidée, une terre grasse et généreuse, une jeunesse à qui l’on donne plus de perspectives et d’horizons, des Camerounais véritablement concernés et impliqués dans la gestion des affaires locales, des voie de communications, de la rigueur dans la gestion des deniers publics et du patrimoine commun… Bref, agir pour qu’on le voit. Et surtout qu’on le ressente…